Berlin, mon amour ou le Noël du camionneur
Hier, le dos courbé, je m'en vais acheter un camion en Duplo et me décide finalement pour la ferme : mouton, vache, cochon. 19 décembre, je vois le soir des images de camion d'horreur à Berlin.
J'ai bien fait de préférer la ferme en souvenir de l'enfance. Même pas celle que j'ai eue, bien que le voisin m'ait invitée, une fois, à assister à un vêlage de vache par césarienne. La nature n'est vraiment pas si tendre qu'on le dit. Mon coeur fut serré. Odeurs et couleurs de paille et de sang, le vétérinaire tirant les pattes du veau avec énergie, hors de la lourde vache si vulnérable en son étable. J'en suis encore toute retournée. M'est resté que, dans la crèche, c'est la vache que je préfère. Ils disent le boeuf, parce que "le boeuf connaît son propriétaire" au chapitre 1 d'Isaïe que je recommande :
"Cieux, écoutez ; terre, prête l'oreille, car le Seigneur parle : J’ai élevé des enfants, je les ai fait grandir, mais ils se sont révoltés contre moi. Le bœuf connaît son propriétaire, et l'âne, la crèche de son maître. Israël ne me connaît pas, mon peuple ne comprend pas.
Ils ont abandonné le Seigneur, ils ont méprisé le Dieu Saint d'Israël, ils lui ont tourné le dos. A quoi bon m'offrir tant de sacrifices ? dit le Seigneur. Les holocaustes de béliers, la graisse des veaux, j’en suis rassasié. Le sang des taureaux, des agneaux et des boucs, je n'en veux plus.
Quand vous venez vous présenter devant moi, qui donc vous a demandé d'encombrer mes parvis ? Cessez de m'apporter de vaines offrandes : l’encens, j'en ai horreur. Nouvelles lunes, sabbats, assemblées, je ne supporte plus ces fêtes sacrilèges. Vos nouvelles lunes et vos solennités, je les déteste. Elles me sont un fardeau et je suis las de le porter. Quand vous étendez les mains, je me voile les yeux. Vous avez beau multiplier les prières, je n'écoute pas : vos mains sont pleines de sang."
Berlin, mon amour, découverte l'année du vêlage, coupée alors en deux, de lumière d'un côté et d'ombre de l'autre, dans l'ambivalence, te voilà de nouveau en larmes, broyée par un attentat. Même les crocodiles pleurèrent.
Je me demande à quoi ressemble le Noël d'un camionneur qui détruit sur son passage. Si j'en crois Isaïe, nous sommes tous des camionneurs. Plus ou moins délicats, j'en conviens. Et le jour se lève encore, une fois la nuit tombée.