2 min de lecture

Hommage

Je déambulais dans le navire du Bois de Boulogne. Une installation, à peine herbue en ce temps hivernal, faisait rire des enfants :"pourquoi y a-t-il des baskets dans la terre ? Quelle idiotie !"
Je me suis approchée et j'ai pensé pareil. De plus près, sur la terrasse vaguement protégée du vent par des voiles de plastique profilé, j'ai vu soudain que des couleurs acidulées, ne ressemblant pas aux miennes, étaient encastrées.

à la fondation Louis Vuitton

Dans la matière grise des pierres, elles détonnaient, comme étrangères au minéral costaud. En baissant le regard, il était aisé de saisir que les racines soutenant l'édifice étaient légères en même temps qu'assurées. Hommage aux esclaves, signalait le panneau.
Quelque temps plus tard, alors que je m'étais assise sur un banc, le noyau ajouré m'est apparu comme grandiose. Sortait-il savamment de cette terre aux esclaves qui l'avaient hissé pour notre plaisir ? Ou bien levait-il sa coque avec autant d'élégance que de timidité comme une grenade dégoupillée ?

le bâtiment vu de devant

De manière improbable, la terre se trouvait à un étage supérieur -peu importe lequel- avec son linge rose et bleu pour la caler, tandis que le ciel ne pouvait s'apercevoir, dans sa dimension de gris fondu avec les voiles, que d'en bas. Le titre d'un livre m'est revenu, dont le contenu m'échappe : "l'insoutenable légèreté de l'être". Ne croyant guère à la légèreté que mes gros sabots peuvent souvent écraser, j'ai jeté un oeil attentif à la structure après avoir rejoint un escalier dérobé.

structure métallique

Dans les niches métalliques ainsi créées, j'aurais volontiers mis de la terre et du ciel et des couleurs acidulées et l'eau qui dévalait par devant et le rire des enfants et mon étonnement. Un peu de poussière s'était accumulée. Je doute que les cases restent longtemps vides. Elles serviront un jour à ranger des songes. D'eux-mêmes, ils prendront leur place. Les voilà déjà encadrés, avant même qu'ils n'aient jailli de la terre qu'ils rejoignent ou du ciel qu'ils décrivent.