Paix, svp !
Cela commence à bien faire. A chaque fois que je crois que tout revient dans l'ordre, le bazar s'installe. Le chat passe sur mes piles, le linge s'étale de travers, les anciens amis se gueulent dessus. Pire, les torchons remplacent les bonnes feuilles. Je ne m'y retrouve plus. Ni chez moi, ni ailleurs. On dirait que la tempête souffle du grand n'importe quoi. Même sur les bougies d'anniversaire. A ce rythme, elles vont finir par s'éteindre.
Pas de désespoir chez moi. Le réalisme ancré dans ses sabots. Les images de guerre s'accumulent. Addiction aux écrans qui les font défiler, à en oublier les chairs vraiment meurtries. Non, Madame, passez, il n'y a rien à voir. Des victimes ? Je vous en fournis les chiffres, si vous voulez. 26, 247, 4000 ou davantage... Certaines ont grandi, la plupart sont mortes. On s'en fout. Mais toi, l'arrière grand-père, quand tu élevais tes cochons, tu les voyais ces corps ratatinés et ensanglantés, raplatis sur le rectangle encombrant, à nous empêcher de dormir ? L'horloge sonnait les heures et tu les entendais, toi. Suffisant pour l'oreille avec tes bêtes qui grouinaient.
L'autre jour, un voisin m'a dit que j'étais "nostalgique" et que ça ne se faisait pas. Il a cru, sans doute, que je n'étais pas de mon temps. Le temps, ça se traverse et ce n'est pas fait pour y rester, que je sache ! Vous m'imaginez, plantée indéfiniment devant le malheur des autres, en grignotant des pistaches ? C'est comme s'installer dans un placard avec un oreiller par dessus la tête.
Les bougies se sont éteintes. Etalées comme des mouches sur la toile. Encore des morts à la pelle, à Bruxelles. Je range les mots par sonorités pour mieux m'extraire de ce gâchis. Pas qu'à Bruxelles. Ailleurs aussi. En perspective, une série de non anniversaires. Sonne avec promptitude, ma bonne cloche de Villedieu les Poêles. Parce que franchement...
Pour le son, il suffit de taper là, en même temps, s'il vous plaît.