Méandres de la vérité
"Le disparu, si l'on vénère sa mémoire, est plus précieux et plus puissant que le vivant." Cette phrase de Saint-Exupéry peut se découvrir sur une plaque de marbre dans un coin perdu d'une forêt méditerranéenne.
Comprenant à l'envers, j'avais d'abord lu que "le disparu est plus vivant que le puissant". Après tout, cette vitalité du disparu est peut-être vraie pour ceux qu'habitent et transforment le fleuve endormi, le ciel et le sable mouvants, et surtout les bois, séparateurs par leur couleur, dans le doux Val de Loire.
Sur la brèche, à la seconde près, le puissant exerce son pouvoir ou passe son temps à chercher à le garder. Que voit-il d'au-dessus quand il cache des dessous de cartes ?
J'ai voulu me rendre à Saint-Jean de Lyon pour méditer sur la ronde des heures et n'y ai pas trouvé de réponse. Le soleil de l'horloge est prétentieux et franchement péteux. De plus, il ferme les yeux. Il croit régner d'en haut sur la modeste lune d'en bas.
Si, en plein jour, le soleil s'en tape ainsi de notre regard et, doré, veut même nous en mettre plein la vue, c'est qu'il sera supplanté dans pas longtemps.La lune ouvre la porte aux étoiles, pas le soleil.
C'est cela le manque de puissance du vivant ou le manque de vie du puissant : Un soleil qui s'en moque.
J'ai poursuivi mon chemin jusqu'en Bretagne. La mer qui se retire donne à voir comme le disparu vénéré.
Et c'est alors que j'ai reconnu cette rose éphémère et improbable sur laquelle j'avais planté mon dévolu dans les jardins de Villandry. Des carrés, des ronds, des rectangles, un labyrinthe, de la droiture ordonnancée par des alignements successifs. La rose avait pris le large des croisillons pour s'épanouir.
Peut-être a-t-elle disparu depuis que je suis passée devant elle.
Chapeau, Madame la rose, vous êtes précieuse : vous m'apprenez que je préfère les vivants aux disparus. Ils mentent parfois comme ils parlent. Ils se perdent dans des méandres pour éviter d'entendre leurs quatre vérités. Ils dégueulent, dégoulinent, glissent, me dégoûtent ou désespèrent. Mais ils sont là, eux, de chair et d'os.
Faire vibrer les eaux fangeuses car diablement endormies : pour cela, ne pas dévaler la pente et prévoir un arrêt sur images.